Zhang Ruimin avec un livre

Zhang Ruimin, le patron philosophe

Le fondateur du géant chinois de l’électroménager Haier, Zhang Ruimin, est parfois surnommé le « patron philosophe ». Il a en effet toujours marqué un intérêt prononcé pour la réflexion philosophique sur des sujets divers. Ses centres d’intérêt sont multiples : philosophie occidentale, sagesses chinoises, physique fondamentale… Pourtant, né la même année que la République Populaire de Chine, en 1949, dans une famille de la classe ouvrière, rien ne le prédisposait à se plonger dans les livres. Rien, si ce n’est une soif inextinguible d’apprendre. Qu’on en juge : au début des années 1980, il faisait chaque jour une heure de vélo aller-retour depuis son usine pour aller suivre des cours de management.

Une pensée managériale inspirée de l’Occident

En 1984, une usine de réfrigérateurs décrépie a été confiée à Zhang Ruimin par la municipalité de Qingdao, qui désespérait de trouver quelqu’un pour la sauver. Zhang s’est inspiré des méthodes de management occidentales, alors peu connues en Chine, pour la redresser. À cette époque, il avait été particulièrement marqué par l’ouvrage de Peter Drucker, Le manager efficace. Il y a puisé deux idées forces au centre de l’empire qu’il allait édifier en l’espace de 40 ans : les entreprises sont là pour créer des clients, et donc pour être au service des clients, au travers de produits ou de services de qualité ; les salariés ne doivent pas être de simples exécutants, mais des individus capables de prendre des décisions.

Le manager efficace, par Peter Drucker

La découverte de la pensée managériale occidentale par Zhang ne fut pas seulement livresque. Peu de temps après sa nomination à la tête de Qingdao Refrigerators, il put l’approfondir lors d’un voyage en Allemagne pour visiter les usines du nouveau partenaire de son entreprise, Liebherr. Ce voyage joua pour lui un peu le même rôle que les voyages de Montaigne. En « frottant et limant sa cervelle » à celle d’autres cadres et patrons d’usine, il put à la fois mieux comprendre leurs méthodes, et porter un regard plus lucide sur les particularités chinoises.

« Il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d’aultruy », Michel de Montaigne

Le retour aux sources de la sagesse chinoise

Zhang Ruimin a également puisé à la source des différentes sagesses chinoises pour façonner le modèle de management d’Haier, le rendanheyi. L’influence du taoïsme ressort particulièrement. Pour ne citer qu’un exemple, la liberté laissée aux salariés de s’auto-organiser, au point d’avoir transformé Haier en une myriade de microentreprises autonomes, n’est pas sans rappeler le principe taoïste du wu-wei (无为) ou « non-agir ». Schématiquement, ce principe consiste à dire que l’on doit s’abstenir d’interférer avec le courant naturel des choses. D’une certaine façon, c’est ce que l’on retrouve dans le rendanheyi, qui postule que chaque salarié doit être libre de se comporter comme un entrepreneur, et que ni la hiérarchie, ni la bureaucratie ne doivent l’entraver.

Vers de nouveaux paradigmes

Ces dernières années, Zhang Ruimin a porté un intérêt marqué pour les découvertes de la mécanique quantique, y voyant une source d’analogies précieuses pour le management. Ainsi, la décision radicale que Zhang prit en 2005 de transformer Haier en un ensemble de 2 000 unités autonomes (自主经营体, Zìzhǔ jīngyíng tǐ ou « ZZJYT ») peut être considérée à la lumière du principe quantique de dualité onde-corpuscule. En effet, les ZZJYT peuvent être vues sous deux angles : d’un côté, ce sont les plus petits composants élémentaires d’Haier, à la manière de corpuscules ; d’un autre côté, elles sont toutes amenées à coopérer, transmettant la culture entrepreneuriale d’Haier à la manière d’une onde.

« Pensez aux ondes à l’intérieur des organisations. Elles sont comme des idées qui se propagent entre les personnes et les équipes. Les idées qui résonnent ensemble peuvent être plus puissantes, et avec le temps, elles caractérisent une culture, une façon commune de penser et de faire les choses. Haier, c’est plusieurs entreprises, mais une seule marque. »

Zhang Ruimin, interview avec Peter Fisk

Que peut-on retenir de cette importance de la réflexion et des lectures pour Zhang Ruimin ? Ce dernier y a puisé l’énergie pour transformer Haier en permanence, s’inspirant de la pensée occidentale et des sagesses chinoises pour créer un nouveau paradigme managérial qui peut être vu comme un « management quantique« . Ce-faisant, Zhang Ruimin s’est davantage comporté comme un visionnaire que comme un gestionnaire, propulsant son entreprise à la première place de son secteur.

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