En 2019, je me questionnais sur les limites de l’organisation actuelle des entreprises.
Pourquoi seulement 20% des salariés se sentent engagés dans leur travail ? Est ce que nous sommes tous condamnés à créer une startup ou à devenir auto-entrepeneurs pour que notre travail retrouve du sens ?
Au gré de mes recherches, j’ai découvert le site Corporate Rebels qui fut une véritable révélation. Deux jeunes Hollandais mettaient des mots sur ce que je ressentais depuis quelques années déjà. Leur mot d’ordre : il est urgent de changer radicalement le management des entreprises.
Ils ont identifié 8 axes de transformation prioritaires :
- from “profit” to “purpose and values” (du profit à la raison d’être et aux valeurs)
- from “hierarchical pyramid” to a “network of teams” (de la pyramide hiérachique au réseau d’équipes)
- from « direct leadership » to « supportive leadership » (du leadership direct au leadership de service)
- from “plan and predict” to “experiment and adapt” (de la planification-prédiction à l’expérimentation-adaptation)
- from “rules and control” to “freedom and trust” (des règles et du contrôle à la liberté et à la confiance)
- from “centralized authority” to “distributed decision making” (de l’autorité centralisée à la prise de décision distribuée)
- from « secrecy » to « radical transparency » (du secret à la transparence radicale)
- from “job descriptions” to “talent and mastery” (des fiches de postes au talent et à la maîtrise)
Après moins de trois ans d’expérience en tant que salariés, Joost Minnaar et Pim de Morree ont trouvé les mots pour décrire à quel point le fonctionnement actuel des entreprises était à des années-lumière des attentes des salariés.
Comme si les théories du management de Fayol et Taylor utilisées pour fabriquer des Ford T en 1920 étaient quasiment les mêmes que celles appliquées pour élaborer les produits et services du 21ᵉ siècle. Comme si l’ouvrier non qualifié du siècle dernier ressemblait aux étudiants d’aujourd’hui qui ont passé plus de 20 ans à se former et à se préparer au monde de l’entreprise par de multiples stages.
Malgré la digitalisation phénoménale de notre environnement de travail, les principes de management sont restés, eux, étonnamment similaires :
- Division du travail
- Spécialisation des employés
- Contrôle de la réalisation par un suivi entre la charge estimée, la charge consommée et le reste à faire
- Selon votre niveau dans la hiérarchie, vous avez le privilège de penser à la stratégie de demain ou vous devez vous contenter de réaliser les tâches qui vous sont attribuées.
Malgré ce constat qui reste majoritaire, il faut aussi reconnaître des tentatives de réformes. En informatique, on a vu apparaître depuis 20 ans les méthodes agiles, qui postulent que la transparence, l’autonomie des individus et des interactions régulières permettent de répondre aux besoins du client bien mieux qu’un cycle en V. Mais malgré cet apport indéniable, on constate que cette agilité reste encore largement circonscrite à l’informatique. L’agilité se diffuse quand même moins bien dans les comités de direction…
À partir de ce constat, Corporate Rebels a décidé d’aller visiter les entreprises pionnières qu’ils considéraient les plus innovantes en termes de management. C’est de cette manière qu’ils ont découvert Haier, une entreprise chinoise d’électroménager. Contre toute attente, alors que le métier de cette entreprise semble fort peu novateur, ils y ont décelé des principes fondés sur l’humain et une culture du changement d’une pertinence et d’une radicalité assez exceptionnelle.
En 2005, la philosophie qui a guidé Haier pendant 30 ans a été synthétisée sous le vocable chinois « RenDanHeYi » ( qui se prononce à peu près « JeunDanReYi ») dont la renommée est déjà considérable dans le monde anglo-saxon. Si les principes fondamentaux de cette méthode semblent assez simples (alignement entre la production du salarié/entrepreneur et l’expérience utilisateur/client), il est pourtant indispensable, pour vraiment la comprendre, de l’analyser au regard de l’histoire des transformations d’Haier et des apports de son emblématique PDG, Zhang Ruimin.
Formé en management au sein de l’IAE de Paris, Youssouf Chotia a passé dix ans dans le conseil en management et organisation, notamment chez Devoteam et Weave. Après ces expériences, il a poursuivi sa carrière en rejoignant Thalès dans le secteur du spatial.
Il reste convaincu que la recherche de profit est compatible avec l’épanouissement individuel et collectif à condition de s’intéresser aux innovations managériales.